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Actualités

15/11/2016
Les réels enjeux du référendum italien - Opinion de Nicolas Roth

Le système parlementaire se compse de deux chambres réunissant députés et sénateurs. Le référendum proposé efface ce système bicaméral.

Par Nicolas Roth, Co-Head Alternative Investments, Banque REYL

Le 4 décembre, les électeurs italiens seront appelés à se prononcer sur un référendum constitutionnel qui a suscité un vif intérêt auprès des observateurs internationaux. Bien qu’il s’agisse plutôt d’un vote technique avec des incidences complexes, les médias italiens ont réussi à transformer ce référendum en un simple vote de confiance à l’égard de l’actuel Premier ministre Matteo Renzi. D’après les derniers sondages, le non l’emporterait. En quoi consiste précisément ce référendum et quelles seraient les conséquences à moyen terme si les voix contre l’emportaient ?

À l’heure actuelle, le système parlementaire italien se compose de deux chambres réunissant un total de 945 élus partagés entre députés et sénateurs. La Chambre des députés a les mêmes pouvoirs que la Chambre des sénateurs et les projets de loi doivent être approuvés par les deux chambres pour être adoptés. En raison de ce système bicaméral, l’Italie est confrontée à un certain degré d’inertie lorsqu’il s’agit de réformer les impôts, les tribunaux, le droit du travail et d’autres aspects juridiques de la vie économique. Dans le cadre du référendum proposé, le système bicaméral disparaîtrait, le pouvoir dont disposent les sénateurs serait diminué et leur nombre serait réduit. Enfin, un certain nombre de fonctions actuellement attribuées aux régions seraient re-centralisées afin d’accroître l’efficacité du système. Au final, la validation de chaque nouvelle proposition de loi par le Sénat ne serait plus nécessaire. Le dernier changement se présente sous la forme d’une nouvelle loi électorale, baptisée « Italicum », qui fait l’objet de nombreux débats, y compris au sein même du Parti démocrate de l’actuel Premier ministre Matteo Renzi.

Au premier abord, les objectifs énoncés dans le référendum sont plutôt positifs car ils permettraient de créer un cadre législatif plus efficace susceptible de faciliter les réformes. Toutefois, la situation est différente. Dès le début de la campagne, Matteo Renzi a incarné cette réforme, poussant ainsi les électeurs à exprimer (ou non) leur confiance en l’actuel Premier ministre. Mais le paysage européen est aujourd’hui caractérisé par une défiance générale de la part du public à l’égard des dirigeants actuels, de leur politique et de la bureaucratie de Bruxelles. Même si le référendum comporte un certain nombre d’avantages, les électeurs profitent des scrutins pour exprimer leur lassitude à l’égard du pouvoir en place et leur besoin de changement.

En matière de réforme, la plus nécessaire est de loin celle du système judiciaire. Selon le FMI, le règlement d’une procédure civile peut prendre jusqu’à 8 ans si l’on tient compte des première, deuxième et dernière instances. Au sein de l’OCDE, la moyenne est de 800 jours. Réduire ces temps d’attente serait très utile pour relancer la croissance en Italie, le manque d’efficacité du système judiciaire ayant tendance à paralyser l’ensemble du système économique. Tout d’abord, les investisseurs internationaux hésitent bien évidemment à déployer et à investir des capitaux dans un pays marqué par la faiblesse de son système judiciaire et la lenteur de ses tribunaux dans la mesure où leur degré de protection est incertain. Le coût du capital est plus élevé car les investisseurs tiennent compte de la faiblesse du processus d’application des lois dans leurs primes, prêtant ainsi aux PME italiennes à un taux nettement plus élevé que dans d’autres pays développés et pénalisant indirectement la croissance.

Si le oui l’emporte lors du référendum, le Premier ministre disposera de la souplesse nécessaire pour apporter un certain nombre de changements au système judiciaire. Parmi les pistes envisagées figurent la réduction du nombre de tribunaux, le relèvement des barrières à l’entrée sous la forme d’une augmentation des frais de justice, la promotion active de la médiation pour résoudre les litiges et la numérisation des tribunaux pour commencer à mesurer l’efficacité et suivre les résultats. Bien que la médiation obligatoire ait été jugée inconstitutionnelle en 2012, elle a été réintégrée un an plus tard mais reste peu utilisée car le public est mal informé sur cette option plus rapide et moins coûteuse. Un système juridique plus efficace devrait attirer des investissements directs étrangers dans le pays et agir comme un moteur de croissance à long terme.

Sur le plan politique, un vote négatif pourrait avoir plusieurs conséquences à court terme. Étant parvenu à transformer ce vote en une sorte de vote de confiance, le Premier ministre a indiqué à maintes reprises qu’il démissionnerait du gouvernement si le non l’emportait. Bien que sa stratégie de communication ait quelque peu changé ces derniers temps, Matteo Renzi subira vraisemblablement la pression de l’opposition en cas d’échec. Le scénario extrême en cas de non au référendum est une démission du Premier ministre, suivie d’élections anticipées et d’une avancée significative du parti eurosceptique Cinque Stelle au sein du gouvernement. Si le oui l’emporte, Matteo Renzi en sortira renforcé et les Italiens ne devraient pas voter avant la fin de la législature actuelle en 2018.

D’un point de vue économique, une victoire du non aurait vraisemblablement un impact très négatif sur l’Italie, tout au moins à moyen terme. Le pays est perçu par les investisseurs comme étant nettement inférieur à ses homologues d’Europe méridionale comme l’Espagne ou même le Portugal en termes de facilité pour investir et de protection des créanciers. Le secteur bancaire italien en particulier a désespérément besoin d’une réforme judiciaire. La plupart des banques croulent sous le poids de créances douteuses prêtes à être vendues sur un marché secondaire inexistant. Même si un nombre limité d’investisseurs institutionnels a foulé le sol italien pour acquérir des créances douteuses, le montant du capital déployé est loin d’être suffisant pour résoudre le problème des 340 milliards d’euros auquel les banques sont confrontées. Dans la mesure où la restructuration des créances douteuses est fortement tributaire de la capacité à faire respecter les contrats et à avoir accès à un système judiciaire qui fonctionne, il est difficile d’envisager une amélioration significative sur ce point sans que des réformes substantielles ne soient menées.

La clé de ce référendum est la confiance. Les électeurs italiens exprimeront-ils leur confiance au Premier ministre Matteo Renzi ou s’opposeront-ils à sa politique et au gouvernement actuel ? Pour les investisseurs, une victoire du oui serait considérée comme un signe de continuité dans la politique actuelle et indiquerait que le pays ne craint pas de réformer ses institutions. En revanche, une victoire du non minerait la confiance des investisseurs en la capacité de l’Italie à réaliser les réformes indispensables et devrait se traduire par une perte de confiance et une incapacité à aller de l’avant.