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2017/10/20
Financer les oeuvres d’art: un rêve pour les collectionneurs - Interview

LINK Management, cabinet de conseil en art, spécialisé dans l’analyse et la gestion du collateral et le Groupe REYL, en qualité d’agent administratif et d'arrangeur ont lancé Griffin Art Partners, une plateforme de titrisation luxembourgeoise spécialisée dans l’octroi de prêts sans recours garantis par des œuvres d’art.

Griffin Art Partners propose des financements d’un à trois ans garantis par des œuvres d’art pour un montant minimum d’un million d’euros, permettant ainsi aux collectionneurs et aux professionnels d’emprunter sur la base de leurs actifs.

Interview croisée avec Xavier Ledru de la banque REYL, Aude Lemogne et Aymeric Thuault de LINK MANAGEMENT. Aymeric Thuault et Aude Lemogne, comment vous est venue l’idée de développer une nouvelle solution de financement avec le Groupe Reyl ? Nous travaillons depuis longtemps sur ce sujet, puisque notre cabinet de conseil en art fournit directement du financement à des professionnels du marché de l’art depuis des années, mais uniquement sous forme de co-investissement dans des œuvres d’art. Nous nous sommes rendus compte progressivement que certains de nos clients collectionneurs pouvaient également être intéressés par du financement aussi bien pour accroitre leur collection, que pour financer certains besoins ponctuels. Plutôt que considérer une collection comme une entité inerte, source de coûts (assurance, stockage, etc..) elle devient "leverageable". Ce type de solutions s’est considérablement développé aux Etats-Unis depuis 12 ans, et a notamment permis au marché de l’art contemporain et d’après-guerre américain de connaître un nouvel élan entre 2005 et 2008.

Historiquement, nous sommes conseillers en art. C’est-à-dire que nous aidons les collectionneurs à étoffer leurs collections, mais aussi des investisseurs à diversifier leur patrimoine dans l’art. Grâce à notre profil hybride, puisque nous avons travaillé chacun en finance pendant 10 ans, nous apportons à nos clients une rigueur analytique qu’ils ne trouvent pas ailleurs. A l’approche classique, qui consiste à analyser une œuvre sous un angle esthétique et historique, nous  ajoutons le paramètre financier, et la notion associée de risque. Xavier Ledru, vous êtes Directeur auprès de la banque REYL & Cie : comment vous êtes-vous intéressé à l’art ? Cela faisait un certain temps que nous etions actifs dans l’art au travers de notre branche family office. Cote investissement, nous avions identifié l’art comme un actif sur lequel il était possible d'adapter une offre innovante, et souhaitions nous positionner sur ce segment de marché. Au départ, nous avons envisagé créer un fonds « Art » classique. Cependant, après une analyse en profondeur du marché, nous nous sommes rendus compte que ce n’était sans doute pas le produit le plus adapté à une clientèle privée. Nous avons alors cherché un outil présentant un profil moins risqué. En utilisant les différentes compétences de la banque notamment en matière de structuration juridique et financière, nous nous sommes orientés vers la modélisation d’un produit d’investissement à rendement fixe avec un sous-jacent art qui puisse répondre aux attentes des investisseurs que nous avions ciblés. Nous souhaitions en effet proposer ce produit à notre clientèle privée, mais aussi à d’autres banques, des family offices ou des fonds de dette privee, très actifs en Europe. C’est dans cette optique que nous avons rencontré Link Management, qui avait la même vision au sujet de l'offre à proposer mais surtout une grande rigueur dans l’analyse et la due diligence. C’est cette philosophie commune qui nous a rapprochée. Quels sont les véritables avantages d’une telle plateforme pour les collectionneurs-emprunteurs ?

Xavier Ledru : Les emprunteurs comme les investisseurs ne sont pas forcément des clients de la banque. De plus les obligations 'asset backed' émises par Griffin Art Partners bénéficiant d'un code ISIN international, et peuvent être aisément  souscrites au travers d'Euroclear ou Clearstream. Aymeric Thuault : Contrairement à certains de nos compétiteurs, chaque emprunteur dispose d’une liberté totale en terme d’utilisation des fonds, et aucune condition exotique ne vient durcir la procédure de défaut, en permettant par exemple à une structure partenaire de racheter le collatéral à vil prix. Nous ne prenons jamais en considération le risque de crédit de l’emprunteur et n’exigeons aucune garantie personnelle. Nous travaillons actuellement sur une solution qui permettra à nos clients de garder leur art chez eux, évitant ainsi une dépossession. Aude Lemogne : Nous sommes actuellement à même de proposer nos services sur  différentes juridictions, nous permettant ainsi de travailler avec des collectionneurs aussi bien français, suisses, belges, italiens qu’allemands. En termes d’éligibilité, nous sélectionnons majoritairement des œuvres du XXe siècle, puisque statistiquement toutes les œuvres créées depuis 1875 (date de naissance du mouvement Impressionniste) représentent plus du 80% du volume transactionnel du marché de l’art. Cependant notre équipe bénéficie également d’une solide expérience dans les Vieux Maitres, et pouvons en conséquence accepter toute œuvre créée depuis la Renaissance. Xavier Ledru : Griffin Art Partners est un véhicule qui a vocation à durer. Nous nous imposons donc des critères d’éligibilité extrêmement stricts, liés à la due diligence effectuée par Link Management. Nous exigeons pour le moment une dépossession des œuvres et leur remise sous le contrôle direct et effectif du véhicule. Par ailleurs nous nous basons sur la valeur d'estimation basse de l’œuvre ou de la collection pour accorder un financement. Celui-ci varie de 30 à 50% de cette estimation basse (loan-to-value), ce qui nous donne une marge de sécurité importante étudiée en fonction du type d’œuvre et l’évolution potentielle de sa valeur. Les œuvres éligibles sont toutes de grande qualité, émanant d'artistes reconnus. Elles ne doivent pas présenter un risque de volatilité trop important.  Comment « garantir » la valeur d’une oeuvre ? Aude Lemogne :  Le calcul de la valeur d’une œuvre est bien évidemment un aspect central de notre approche. Celle-ci est intimement liée à la procédure de due diligence que nous menons parallèlement pour chaque œuvre. Nous sommes convaincus que nous avons l’une des procédures les plus approfondies en la matière. Nous avons d’ailleurs dès 2013 décidé de la faire valider par un certificat ISO, afin de démontrer notre volonté de sérieux et assurer à nos services transparence et rigueur. La vérification de l’authenticité de l’œuvre est un élément central de cette procédure. Nous vérifions également si l’œuvre n’a été ni spoliée ou volée. Puis tous les résultats sont synthétisés, afin de permettre à nos valorisateurs d’être le plus réaliste possible. L'art est-il une valeur refuge ? Xavier Ledru : L'art (surtout le segment haut du marché) est effectivement historiquement une valeur refuge, c'est indéniable. Cependant, au travers du fort appétit que suscitent les titres émis par Griffin Art Partners depuis son lancement, nous constatons que l'art peut également constituer pour un investisseur un outil innovant de diversification présentant en outre l'avantage d'être décorrélé des classes d'actifs traditionnelles. Aymeric Thuault : Nous sommes toujours surpris par les déclarations de beaucoup d’acteurs considérant l’art comme une classe d’actifs à part entière. De par son volume transactionnel global, l’art ne pourra jamais prétendre à ce statut et permettre à de gestionnaires d’actifs institutionnels d’intégrer l’art dans leur panel d’actifs.  L’art doit être effectivement considéré comme un moyen pour des investisseurs individuels, de diversifier leur patrimoine, en utilisant ses caractéristiques particulières (surperformance par rapport aux actions, obligations, matières premières, et or en période de forte inflation, avec ou sans croissance du PNB) de façon pertinente, et tirer profit de la forte résilience des œuvres de prestige en période de taux bas.